[…] M. Th. Strawinski s’affirme d’emblée pour un artiste de marque. Il semble qu’avec lui le mot même de talent garde un rien d’intellectuel, une imperceptible notion de recherche, qui ne serait pas de mise. J’éprouve en regard de son œuvre l’impression d’un jaillissement venu de très profond […] Il peint sans doute par besoin de peindre, plus encore par nécessité. A ce degré, talent, vocation deviennent destinée […]
[…] Il n’en est pas moins vrai que Théodore Strawinsky est des rares peintres qui, sous nos cieux (nos cieux dans ma pensée sont fort étendus) nourrit une ambitieuse conception de son art. Ambitieuse non à la manière de ces légions d’agités qui prétendent réinventer la peinture et qui, en fait, ne nous apportent guère que des succédanés d’avant-garde, mais ambitieuse de retrouver le fil de l’art de tous les siècles à travers quelques mystères très simples : la composition, l’affrontement des nécessités au style avec les servitudes de la réalité, le problème valeur-couleur, etc. […]
[…] Ne nous étonnons pas que, du cubisme, [Strawinsky] n’ait retenu qu’une certaine liberté dans les moyens d’expression, que ce qu’il faut pour mettre l’accent sur un certain état de sensibilité, pour traduire l’étonnement que l’artiste vrai éprouve devant les choses, fussent-elles les plus ordinaires. […] Quant à ses tableaux j’en voudrais encore en dire la sonorité. Ce qui me frappe en eux c’est l’orchestration, c’est la façon dont Théodore Strawinsky use de ce qui correspond dans la peinture à ce qu’on appelle les timbres dans la musique[…]
[…] Le style de Strawinsky est fait d’un mélange de pureté « cubiste » et de figuration classique. Si Strawinsky pratique beaucoup le paysage, il excelle dans les peintures d’intérieur, car il est avant tout un luministe. La lumière de ses tableaux n’est pas tant celle du soleil que celle qui émane d’un certain climat intérieur.
La vision de Strawinsky est restée liée à l’observation de la nature, mais il cherche à lui donner une intensité expressive qui repose sur la rigueur et la pureté des moyens employés : ligne, composition, couleur. […]
[…] L’objectif que s’assigne l’artiste lorsque le problème du sujet ne vient pas commander les voies de son imagination – un thème religieux, un mythe – semble être de rechercher librement mais avec rigueur le plaisir de la peinture à travers ce qu’il voit […] Commence alors l’état second où l’esprit de finesse et de géométrie entre en jeu, jetant ses prismes inattendus, ses impacts de lumière, ses explosions qui démantèlent pour reconstruire à l’image de la vision intérieure et surtout intériorisée par l’acte de peindre et de penser longuement avant que de prendre le pinceau. Tout est là.
Dans ce difficile cheminement, Théodore Strawinsky se montre souple, fidèle toutefois à une ligne de conduite qui est claire, sans sécheresse, souple sans complaisance, droite en un mot.
[…] Une superbe rétrospective de l’art de Strawinsky. Un art demeuré figuratif où le peintre a su exprimer des vérités simples et profondes de la vie aussi bien que de l’esprit. Une palette exquise aux couleurs chaudes pour des compositions sans rigueur exagérée, mais fortes et harmonieuses. Excellent coloriste, ses toiles sont toutes d’une grande sensibilité du coeur, que célèbre une sorte de chant poétique de l’âme. […]
Fondation Théodore Strawinsky
Rue de Jargonnant 2
1207 Genève (Suisse)